Vers Saint Germain des Près, dans une petite rue pavée paisible, Françoise est tranquille.
Françoise est connue mais Françoise est tranquille.
Je viens lui rendre visite et lui demande si nous pouvons passer un moment ensemble. C’est pour ma rubrique « Sentimental Shopping » je lui dis. Ses yeux se plissent, nous sortons fumer une cigarette telles deux libres élégantes et elle me dit « oui, le sentimental shopping je vois bien ce que vous voulez dire parce que moi, mon boucher a pris sa retraite il y a un mois et depuis, lui et sa femme ils me manquent. Il y en a plein, des bons bouchers à Paris, mais EUX, vous voyez, il y a un sol à petits carreaux et ils mettent de la sciure dessus, comme avant, et puis on discute on se connaît ils aiment les bons produits. Ils pourraient faire des chichis avec la mode des bons produits mais non, eux, juste, ils aiment les bons produits et les gens. Moi quand je reçois à dîner, je sers des bons produits et je n’en fais pas trois tonnes. Des bons produits des bons amis et comme ça on discute ».




En parlant de son « sentimental boucher », Françoise venait de se décrire, sauf que Françoise, c’est Françoise Hauguet, expert en haute couture internationalement reconnue, grande prêtresse des années 1900-1940, sublime dans le travail qu’elle a effectué notamment pour la vente de la collection Denise-Paul Poiret. Mais évidemment, ça, elle ne l’évoque pas.
Elle est dans le présent avec l’amour de l’histoire des belles choses, Françoise.
Sa boutique est à son image : une grande modestie dans l’apparat, une grande élégance dans le fond. Et beaucoup, beaucoup de fantaisie. La fantaisie de ceux qui ont le fond solide.
Françoise a travaillé et travaille toujours avec les plus talentueux des stylistes, mais elle préfère parler « des budgets du cinéma Français qui ont bien diminué vers 1992, ce qui a eu pour effet de soigner le costume un peu moins ou un peu moins souvent, c’est regrettable ». Françoise parle des « stylistes des grandes maisons qui font appel à elle », mais « attention, hein, ils ne copient pas ils s’inspirent, on parle d’art, là ».
Il y a deux ans Françoise et moi étions tombées d’accord sur la robe qu’il me fallait : une robe Nina Ricci vert prairie des années 50. Je dis « tombées d’accord » parce que Françoise ne « fait pas de vente », c’est une experte amoureuse du beau vêtement et de l’allure. Parce que Françoise a l’œil expert, le verbe franc, l’attitude bienveillante et l’élégance de ne rien laisser paraître de tout ça si elle sent que vous n’en avez que faire.
« Non mais franchement, le détail du montage d’une manche, le poignet, la poche, c’est essentiel pour l’allure. Aujourd’hui il faut aimer ça, encore. Et c’est accessible même à celles qui croient que ça ne l’est pas ! ». C’est vrai que la robe Nina Ricci, je l’ai payée 120 euros et la trouve plus précieuse que 3 robes « de chaine ». « Il faut être curieuse, respecter le vêtement, se cultiver un peu, vous le direz, hein !? ».
« Et vous l’avez vue ma vitrine ? Vous en pensez quoi de ma vitrine ? C’est mon ami-qui-travaille-dans-la-mode qui les fait, mes vitrines. Les détails, vous en pensez quoi ? ».
J’en pense que les vitrines de la boutique Ragtime, 23 rue de l’Echaudé, Paris 6°, valent le coup qu’on les regarde des heures. Un concentré de bon goût avec un côté minimaliste, tant les choix sont subtils et les chichis inutiles.
Je vous laisse avec une petite sélection de vêtements et l’envie de vous avoir donné envie d’aller, vous aussi, faire du sentimental shopping chez Françoise.
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Haut soie et dentelles années 1910 |
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Yves Saint Laurent collection bijou |
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Haut Yves Saint Laurent |
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Haut Maggy Rouff (oups, je l'ai pris... Maggy Rouff, merde!) |
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Veste Givenchy |
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Liseuse Dior Lingerie |
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Robe Madame Grès |
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Veste AVEC la robe Madame Grès |
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Robe en soie Léonard (oups, je l'ai prise!) |
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Robe Lanvin |
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Tailleur pantalon début années 70 |
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Robe en soie années 1920 |
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Chemisier + veste Louis Féraud |
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Tailleur jupe Courrèges |
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Kimono soie 1920 |